« La Mort Aux Trousses »: « North By Northwest » (Alfred Hitchcock, 1959)

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Dans le premier, Richard Hannay (Robert Donat) traverse l’Angleterre puis l’Ecosse à la poursuite d’espions tandis que dans « North By Northwest » Roger Thornhill (Cary Grant) parcourt les Etats-Unis, de New York jusqu’au Dakota du Sud, pour échapper à la fois à la justice et à des espions décidés à le tuer; en effet, Thornhill, publiciste new-yorkais, est, par un concours de circonstance improbable, confondu par des agents secrets d’une puissance étrangère avec un dénommé Kaplan, qui, d’ailleurs, n’existe pas. Dès lors, le personnage interprété par Cary Grant sera entraîné dans une aventure qui le mènera jusqu’au Mont Rushmore.
« North By Northwest » sort en 1959; à cette époque, la carrière d’Alfred Hitchcock est à son apogée. L’année précédente était sorti « Vertigo » (« Sueurs Froides », 1958); l’année suivante sera présenté « Psycho » (« Psychose », 1960), peut-être le film de Hitch qui a le plus marqué le grand public, de par la dureté du sujet et l’intransigeance de son traitement. En 1963, « The Birds » (« Les Oiseaux ») puis en 1964 « Marnie » confirmeront le génie de Hitchcock. Arrivé en 1940 à Hollywood pour tourné un « Titanic » qui ne verra jamais le jour, Hitchcock tourne le sublime « Rebecca » qui décroche l’Oscar 1940 du meilleur film. De « The Lodger » (1926) à « Family Plot » (« Complot De Famille », 1976), la carrière de Hitchcock est jalonnée de chef-d’oeuvres et de succés commerciaux. Si l’on reconnaît une oeuvre d’art à son universalité et son intemporalité, Hitchcock est bel et bien un génie du cinéma.

(source: casadipatrizia.com) Outre les films eux-mêmes, il est certaines scènes d’Alfred Hitchcock qui restent gravées dans l’inconscient collectif et dans la mémoire du cinéma, de la scène de la Statue de la Liberté de « Saboteur » (1942) à celle de la douche de « Psycho » (1960). « North By Northwest » présente plusieurs scènes inoubliables de cet acabit; il y a bien sûr celle du Mont Rushmore où les protagonistes déambulent entre les narines de Lincoln et les oreilles de Roosevelt. Cependant, nous nous attarderons sur la plus connue d’entre toutes, et peut-être le plus brillante; la célèbre scène dans laquelle Cary Grant est attaqué par un avion, dans un semi-désert. Il s’agit d’une scène quasi-muette de plus de 9 minutes, qui se déroule dans un espace ouvert. Hitch explique à Truffaut: « (…) il ne s’agit pas de manier le temps mais l’espace. La durée des plans est destinée à indiquer les différentes distances que Cary Grant doit parcourir pour se couvrir et surtout à démontrer qu’il ne peut pas le faire. » De même, Hitchcock va à contre-courant des idées reçues: « (…) j’ai voulu réagir contre un vieux cliché: l’homme qui s’est rendu dans un endroit où probablement il va être tué. Maintenant, qu’est-ce qui se pratique habituellement? Une nuit « noire » à un carrefour étroit de la ville. La victime attend, debout dans le halo d’un réverbère. (…) L’approche lente d’une limousine noire, etc. Je me suis demandé: quel serait le contraire de cette scène? Une plaine déserte, en plein soleil, ni musique, ni chat noir, ni visage mystérieux derrière les fenêtres! ».

Le premier plan, large, de la scène nous montre l’immensité du cadre: une route droite qui traverse l’écran de haut en bas; un chemin traverse perpendiculairement la route en son milieu; de part et d’autre, des champs déserts ou, parsemées, des cultures. Un autocar arrive au loin et dépose Cary Grant au carrefour formé par la route et le chemin. Il est seul à descendre à cet arrêt, au milieu de nulle part. Le bus repart tandis que Grant constate l’aspect désertique des lieux qui l’entourent. Sur un plan de l’horizon, au loin, on peut, si l’on y prête attention, ou si l’on connais bien la scène, apercevoir un petit avion. De rares véhicules passent. Une voiture dépose un homme en face de Grant. Celui-ci ayant un mystérieux rendez-vous avec Kaplan, celui-là même avec qui on le confond, le suspense est lancé; en effet, outre le fait que la rencontre entre Thornhill et Kaplan éclairerait beaucoup la situation, il y a des confidences que Hitchcock a fait aux spectateurs: on sait que Kaplan est un personnage fictif depuis le premier tiers du film; on sait également que la jeune et belle Eva Marie-Saint, qui a concocté ce rendez-vous et que Cary Grant a rencontré dans le train, est de mêche avec l’excellent James Mason et Martin Landau, les ennemis de Thornhill.

Dès lors, il est fort probable que cette rencontre est un piège. Cependant, il s’avère que l’homme ne fait qu’attendre son car. Les deux hommes échangent le seul dialogue de la scène (à noter également l’absence de musique durant les 9 minutes); l’homme met l’accent sur l’avion qui sulfate là où il n’y a pas de récolte… Son car arrive, il part, laissant Cary Grant à nouveau seul; celui-ci observe l’avion se rapprocher de l’endroit où il se trouve, réalisant peu à peu qu’il semble animé d’intentions hostiles. Grant, après avoir esquivé la première salve, essaye d’arrêter une voiture, en vain, puis se dirige vers un champ de maïs où il pense être à l’abri. L’avion sulfate donc le champ, poussant Thornhill à quitter ce refuge. A la limite de se faire écraser, il réussit à arrêter un camion-citerne dans lequel se fracasse l’avion, entraînant une explosion, apothéose de cette scène géniale.

De plus, outre ses qualités intrinsèques, cette scène est un tournant dans le film; à présent, Thornhill sait qu’il doit se méfier d’Eva Marie-Saint. Ceci relancera l’action et mènera Cary Grant à se faire arrêter volontairement lors d’une vente aux enchères mémorable, en attendant le fameux Mont Rushmore.
Les derniers plans de « North By Northwest » sont, du moins dans leur interprétation métaphorique, des plus osés de la carrière d’Hitchcock; Grant tend la main à Marie-Saint, à l’orée de chuter du Mont Rushmore dans le vide. Le plan suivant voit ce même Cary Grant dans la même position, mais cette fois-ci, ils se trouvent tous deux dans un wagon-couchette et l’homme invite la jeune femme à le rejoindre dans le lit élevé. Dans le tout dernier plan du film, le train pénêtre dans un tunnel.

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